La révolution de l’IA dans les compétences : mythe ou réalité ? Notre point de vue d’expert en 5 questions.

Katya Geraud, fondatrice de Be HR

Depuis un an maintenant nous entendons parler de la Révolution induite par l’IA Générative. Notre cabinet, fort d’une expérience de plus de 10 ans dans les transformations RH et notamment dans la mise en place d’organisations centrées sur les compétences, a approfondi et testé depuis ces derniers mois l’utilisation et l’impact de l’IA dans la gestion des compétences.

Nous avons souhaité vous faire part de notre analyse à travers cinq questions clés que nos clients se posent.

  • L’IA générative va-t-elle enfin permettre de générer de façon simple une cartographie des compétences ?

Aujourd’hui effectivement le besoin pour les organisations est d’avoir une vision globale de leur capital humain et de pouvoir piloter leur organisation non plus seulement sous l’angle des emplois mais en intégrant également la dimension compétence.

Jusque-là, se lancer dans la construction d’un référentiel de compétences était long et fastidieux. Avec l’IA, la création de référentiels de compétences devient plus rapide et moins laborieuse, c’est vrai. Elle facilite le travail d’identification, de définition et de structure des compétences. Toutefois, pour que ces résultats soient pertinents et opérationnels, il est nécessaire que chaque proposition émise par la machine soit partagée et spécifiée avec les opérationnels. Derrière le terme utilisé, tout le monde doit comprendre la même chose, partager le même contenu et les mêmes critères opérationnels. Il faut donc mettre en place un comité de gouvernance des compétences afin de déterminer les personnes autorisées à créer des compétences, ainsi que les procédures pour les maintenir et les actualiser.

  • Comment l’IA peut-elle permettre de désiloter les organisations et enfin permettre d’avoir une vision transverse des compétences de l’entreprise ?

Les collaborateurs pourront sélectionner les compétences proposées et s’autopositionner. Il ne s’agit donc plus de se limiter à la consolidation des emplois mais d’avoir une vision réelle des compétences détenues par chacun des collaborateurs ! Il est ainsi possible pour l’IA de proposer à un collaborateur des postes et des missions n’importe où dans l’organisation en fonction des compétences de ce dernier. Mais là encore, si la technologie offerte par l’IA va grandement faciliter la mise en place d’une organisation basée sur les compétences, pour que cela fonctionne, il va falloir mettre en place des règles de gestion claires et partagées sur les mobilités notamment. Les critères donnés à l’IA doivent être construits et partagés en amont pour sécuriser les sélections et assurer la cohérence avec la stratégie de l’entreprise.

  • Est-ce que l’IA peut permettre d’avoir une vision plus juste des compétences des collaborateurs ?

Via une démarche d’autopositionnement il est possible d’avoir une vision réelle des compétences des collaborateurs. Cependant, il est nécessaire que les définitions des compétences soient claires et concrètes et que l’échelle de niveaux de compétences proposée soit également explicite. Si par exemple le choix est fait d’une échelle à 3 niveaux, il faut indiquer clairement ce que signifie un niveau 1 par rapport à un niveau 2 (critère de séniorité, de niveau de pratique et de maitrise, de niveau de difficulté et complexité…), le risque étant sinon d’avoir des résultats biaisés et des propositions faites par l’IA non pertinentes (que ce soient des propositions de mobilité ou de formation par exemple). L’IA est donc au service d’une vision plus juste mais n’est pas suffisante seule.

  • Comment l’IA peut-elle permettre à une entreprise de devenir une organisation plus apprenante ?

L’IA pourra être utilisée dans les dispositifs de formation pour proposer des parcours plus individualisés via ce qu’on appelle « l’adaptative learning ». Des formations pourront être proposées au collaborateur en fonction de ses compétences actuelles et celles requises sur son poste ainsi que les compétences visées à court et moyen terme. La mise en place d’une démarche d’autopositionnement place le collaborateur dans une posture apprenante puisqu’il est amené à se questionner sur ses compétences, ses points de force et également ses motivations. Les propositions de formations et de postes qui lui sont proposées alimentent ses réflexions et lui permettent ainsi de mieux être acteur de son devenir professionnel. Aussi, derrière cette démarche d’autopositionnement, il s’agit d’une véritable transformation de la culture managériale : il s’agit d’encourager le collaborateur à s’interroger de manière constructive et bienveillante sur ses compétences et laisser la possibilité d’ouvrir l’ensemble des possibles de carrière.

  • Peut-on vraiment prédire l’évolution des métiers et des compétences grâce à l’IA ?

Oui, l’IA peut prédire. Mais, elle ne peut pas prédire l’avenir avec une boule de cristal. Ce qu’elle peut faire, c’est analyser des montagnes de données pour vous donner des indications sur les tendances du marché du travail et les compétences qui seront cruciales à l’avenir. À vous ensuite d’utiliser ces informations pour élaborer des stratégies de développement des compétences qui garderont votre entreprise en avance sur la concurrence. Les algorithmes d’IA peuvent en effet analyser les différentes descriptions d’emploi existantes sur le marché dans un secteur donné pour identifier les compétences émergentes. De plus, en utilisant les techniques de modélisation prédictive, l’IA peut simuler différents scenarios futurs sur les compétences en fonction de variables telles que les orientations stratégiques, les évolutions technologiques ou les changements réglementaires. En exploitant les données RH internes telles que les évaluations des performances, les plans de succession, les historiques de formation, etc., l’IA peut identifier les tendances et les schémas spécifiques à une organisation. Cela permet de prédire les évolutions des métiers et des compétences au sein de l’entreprise, en identifiant les domaines où des améliorations ou des ajustements sont nécessaires. Ces données peuvent ainsi permettre aux RH de mettre en place une véritable démarche de strategic workforce planning et être au côté des managers pour les accompagner dans la mise en place de leur plan d’actions stratégique.

En conclusion, ce qu’on en retire :

L’IA est ainsi une formidable aide pour les RH et cela va être une véritable révolution dans la manière d’appréhender les compétences en entreprise. Toutefois, l’IA n’est pas exempte de limites et de risques. Il faut garder en mémoire que les systèmes d’IA n’ont pas une compréhension inhérente de ce qui est bien ou mal et ils peuvent être influencés par des biais présents dans les données d’apprentissage, voire par l’algorithme lui-même. Il faut ainsi garder en tête deux principes clés :

  • La notion de compétence est subjective : il faut donc partager, préciser et contextualiser avec des faits observables propres à chaque entreprise les propositions faites par l’IA
  • La machine reste neutre et non discriminante si les données d’entrée le sont également. Il faut donc prendre du recul sur les résultats proposés et être en mode « amélioration continue » afin de corriger les biais rencontrés

Ainsi, l’IA doit être considérée comme elle a été conçue : un outil au service des organisations et des individus, et non une fin en soi ! Et dans ce contexte d’enjeu crucial autour de la gestion des compétences, cela peut être un puissant outil !

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