Organisation par les compétences : partage d’expérience avec un décideur RH.

Entretien avec Marion Perin, Directrice du Développement RH chez Randstad.

Comment mieux accompagner et sécuriser les recrutements ? Faciliter les mobilités ? Aligner les compétences avec les objectifs stratégiques de l’entreprise ? Ces questions ont conduit notre client Randstad à lancer un chantier structurant autour de la mise en place d’une démarche compétence.

À l’initiative de la Direction du développement RH, cette transformation a permis d’aligner gestion des talents, formation, mobilité et pilotage RH autour d’un langage commun : celui de la compétence. Une approche ambitieuse, pensée comme un levier stratégique pour faire évoluer les pratiques managériales et répondre aux enjeux business du groupe.

Nous avons souhaité revenir avec Marion Perin, pilote de ce projet, sur cette démarche et recueillir ses enseignements clés.

D’abord, pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous avez lancé une démarche compétence et comment vous vous y êtes pris ?

Aujourd’hui le monde du travail s’accélère. Les métiers et les postes évoluent tellement vite que l’on ne peut plus raisonner en termes de postes figés. L’enjeu est de travailler sur les compétences pour sécuriser l’organisation et les activités.

Chez Randstad, nos organisations et nos activités évoluent très vite ce qui rend impossible une refonte constante des postes. Nous avions donc besoin d’une approche agile et ancrée dans la réalité du terrain qui nous permette d’identifier concrètement les compétences à disposition et utiles pour les activités.

Un deuxième enjeu clé était de rendre les collaborateurs davantage acteurs de leur carrière professionnelle. L’objectif : leur permettre de visualiser facilement les trajectoires de développement possibles en fonction des types de compétences qu’ils souhaitent développer.

Enfin, il était essentiel que ce projet soit porté par les opérationnels, et non par la RH seule. La fonction RH a proposé un cadre de travail opérationnel basé sur des compétences décrites illustrées par des faits observables issus du terrain pour éviter tout biais d’interprétation. Les compétences ont été décrites par des représentants des métiers.

Quel bilan retirez-vous de cette démarche ? Qu’est-ce que cela a changé concrètement pour les collaborateurs, les managers… et aussi pour les RH dans sa façon de travailler ?

Ce projet a fait évoluer la relation RH- opérationnels. Jusqu’alors les RH étaient garants des outils et des processus RH. La gestion des compétences était principalement appréhendée d’un point de vue « RH ». Là, c’est devenu un sujet opérationnel.

Les RH ont travaillé main dans la main avec les managers pour identifier les compétences clés opérationnelles nécessaires pour répondre aux objectifs de performance. Cette coopération a renforcé le rôle de partenaire de la RH, avec une vraie dynamique collective.

Pour les collaborateurs, l’impact est clé : un nouveau point d’entrée par les compétences est proposé dans l’outil carrière. Les collaborateurs peuvent visualiser l’ensemble des évolutions de carrières possibles selon leurs appétences et compétences qu’ils souhaitent développer. C’est un vrai changement. Cela leur ouvre des perspectives de mobilité qu’ils n’auraient pas forcément envisagées. Notre accompagnement auprès des collaborateurs s’oriente autour de ces questions : « quelles sont mes compétences ? Quelles sont celles que je veux encore plus approfondir ? Quelles sont celles que j’aimerai détenir ? ».

Certains diront « les démarches compétences, ce n’est pas nouveaux, cela existe depuis 10 ans… ». Que leur répondez-vous ?

Dans un sens c’est vrai, ce n’est pas nouveau ! Ce qui change, c’est la manière de répondre et prendre le sujet. Avant, on pensait « activité » : on partait du poste pour en déduire les compétences nécessaires. Aujourd’hui on doit d’abord penser « compétences », celles que l’on possède, celles que l’on souhaite exercer, pour en déduire les opportunités.

Cette approche est plus adaptée à un monde en constante évolution. On identifie d’abord les compétences critiques de demain, puis les activités et les postes dans lesquels elles s’expriment. C’est l’inverse des démarches d’avant !

Maintenant que vous avez mis en place ce projet, quels sont les principaux défis pour la suite pour ancrer durablement cette démarche ? Comment allez-vous la piloter et la maintenir dans le temps ?

La fonction RH reste garante du cadre construit, mais le contenu appartient aux opérationnels, qui l’enrichiront progressivement en mode amélioration continue au regard des évolutions des compétences constatées sur le terrain.

Ce projet était une première étape dans une démarche plus large qui a pour objectif de passer véritablement à un modèle d’organisation pour le Groupe basé sur les compétences. Nous avons finalisé ce travail de définition commune de nos compétences clés de manière transverse pour le Groupe. Ce référentiel commun est désormais utilisé pour les recrutements, la mobilité et la formation. L’enjeu est désormais de l’intégrer dans tous nos outils RH et d’explorer les apports de l’IA pour enrichir et exploiter les données compétences dans le temps pour mieux accompagner le collaborateur tout au long de son parcours.

Et pour conclure, quels sont les 3 conseils que vous donneriez à une entreprise qui souhaite se lancer ?

Le premier conseil c’est « penser terrain ». Il faut partir des besoins opérationnels du terrain pour répondre à leurs enjeux : quelles sont les compétences nécessaires dont j’ai besoin ?

Le deuxième conseil, dans la continuité : être concret. Il faut éviter les jargons RH ou les termes trop génériques et décrire les compétences de manière opérationnelle en utilisant les mots du terrain. Il faut que chacun comprenne concrètement ce que ce que cela signifie, ce qui est attendu avec des faits observables simples qui parlent à tout le monde.

Enfin le troisième conseil : prioriser ! Il ne faut pas chercher à être exhaustif : mieux vaut quelques compétences clés bien partagées qu’un référentiel trop complexe ! Cela passe par l’identification et la sélection des principales compétences fondamentales.

En conclusion, le meilleur outil sera celui que les opérationnels pourront s’approprier et utiliseront au quotidien ! Le rôle de la RH est d’aider à challenger pour prioriser.

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